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Analyse keynésienne des comptes nationaux

La logique keynésienne

La comptabilité nationale s'est développée après la seconde guerre mondiale principalement pour mettre en œuvre des politiques économiques d'inspiration keynésienne. Elle reste, aujourd'hui encore, particulièrement bien adaptée à l'analyse keynésienne même si elle a évolué indépendamment de toute théorie économique.

La théorie keynésienne repose essentiellement sur un cadre comptable qui a été repris par la comptabilité nationale et une relation de comportement liant le revenu et l'épargne des ménages. Certaines hypothèses simplificatrices comme celle supposant que les entreprises distribuent tout leur revenu aux ménages ne sont pas vérifiées en pratique mais cela n'altère en rien la logique de la théorie keynésienne.

En économie fermée celle-ci repose sur l'égalité entre l'épargne et l'investissement. L'investissement qui est principalement le fait des entreprises détermine l'épargne qui est principalement le fait des ménages. La relation entre l'épargne des ménages et leur revenu permet alors de calculer le revenu des ménages.

Dans une économie ouverte, la relation entre l'épargne et l'investissement n'est plus vérifiée, il faut introduire le solde des opérations courantes avec l'extérieur (B12). Celui-ci est l'équivalent de l'épargne pour le reste du monde, comme on ne considère pas l'investissement du reste du monde, l'égalité entre l'épargne et l'investissement devient :

Épargne + solde des opérations courantes avec le reste du monde = investissement

Dans les comptes nationaux, l'investissement prend le nom de formation de capital. De plus, les agents économiques sont regroupés en cinq secteurs institutionnels :

On regroupera ici les institutions sans but lucratif au service des ménages avec les ménages car les comptes de ces deux secteurs ne sont pas élaborés indépendamment dans plusieurs pays européens.

L'égalité entre l'épargne et l'investissement devient alors :

E11 + E12 + E13 + E14 + B12 = I11 + I12 + I13 + I14

L'indice fait référence au secteur. Par exemple, E14 et I14 désignent respectivement l'épargne la formation de capital des ménages.

Soit :

E14 = I14 + (I11 − E11) + (I12 − E12) + (I13 − E13) − B12

Il y a une analogie très forte entre le B12 et la différence entre l'épargne et l'investissement. On a en effet :

B12 = B9 + D9 + NP

Et :

E − I = B9 + D9 + NP

Où B9 représente la capacité de financement, D9 les transferts en capital payés moins reçus et NP les acquisitions moins cessions d'actifs non produits.

Par la suite, pour simplifier l'exposé, on donnera donc le nom B12 à la différence entre l'épargne et l'investissement des différents secteurs institutionnels. On a alors :

E14 = I14 − (B12SNF + B12SF + B12ADM + B12RDM)

Où SNF, SF, ADM, RDM représentent respectivement les sociétés non financières, les sociétés financières, les administrations publiques et le reste du monde.

Détermination de l'épargne brute des ménages

Le tableau ci-dessous présente le calcul de l'épargne brute des ménages de la zone euro (les données du Luxembourg ne sont pas disponibles) pour l'année 2013 à partir des données publiées par Eurostat dans leur mise à jour du 28/08/2015. Dans ce tableau P5G représente la formation brute de capital.

Détermination de l'épargne des ménages en 2013 dans la zone euro
  − B12 − B12 − B12 − B12 + P5G = Epargne
  SNF SF ADM RDM Ménages Ménages
EA19 -38.333 -74.736 218.515 172.238 537.488 815.172
AT -1.360 -2.969 3.691 7.352 18.902 25.616
BE 5.674 -492 8.802 -5.807 23.568 31.745
CY -843 -1.046 649 -361 737 -867
DE -33.254 -9.013 -17.221 194.074 170.667 305.253
EE 164 -304 243 -151 761 925
EL -14.816 -1.614 5.050 -4.196 8.252 -7.320
ES -25.110 -17.652 64.603 15.418 33.855 71.114
FI -4.598 -2 5.514 -3.630 12.977 10.261
FR 55.339 -6.142 70.011 -41.873 124.617 201.952
HR 635 -1.458 2.061 25 1.494 2.757
IE -7.364 -7.769 10.269 7.636 5.150 11.445
IT 6.139 -29.849 37.057 15.065 96.525 124.937
LT -2.197 -153 1.316 204 1.328 498
LV -680 -71 16 -522 709 -547
NL -59.208 -9.194 17.396 71.820 27.455 48.269
PT -1.108 -3.682 8.155 1.500 5.681 10.545
SI -747 -522 1.599 1.731 1.228 3.289
SK -1.999 -369 2.339 561 3.342 3.874

Dans ce tableau, EA19 représente la zone euro, les cases vertes correspondent aux B12 ayant un effet positif sur l'épargne des ménages et donc sur l'activité économique. Ainsi, on voit que seuls les administrations publiques et le reste du monde contribuent positivement à l'activité de la zone euro par leur B12.

Un B12 négatif pour le reste du monde correspond à un solde des opérations courantes avec le reste du monde positif pour la zone euro, c'est-à-dire qu'une partie de l'activité de la zone se fait au détriment des autres pays.

Le B12 des administrations publiques est proche de leur capacité de financement, c'est-à-dire de leur déficit au sens des traités européens, elle en diffère seulement par les transferts en capital et acquisitions moins cessions d'actifs incorporels qui sont relativement faibles.

Ce tableau, ainsi que le tableau ci-dessous, montrent que, dans la zone euro, les administrations publiques sont, après les ménages, le secteur institutionnel qui contribue le plus à l'activité économique.

Contributions à l'épargne des ménages en 2013
  − B12 − B12 − B12 − B12 + P5G = Epargne
  SNF SF ADM RDM Ménages Ménages
EA19 -5% -9% 27% 21% 66% 100%
AT -5% -12% 14% 29% 74% 100%
BE 18% -2% 28% -18% 74% 100%
CY 97% 121% -75% 42% -85% 100%
DE -11% -3% -6% 64% 56% 100%
EE 18% -33% 26% -16% 82% 100%
EL 202% 22% -69% 57% -113% 100%
ES -35% -25% 91% 22% 48% 100%
FI -45% 0% 54% -35% 126% 100%
FR 27% -3% 35% -21% 62% 100%
HR 23% -53% 75% 1% 54% 100%
IE -64% -68% 90% 67% 45% 100%
IT 5% -24% 30% 12% 77% 100%
LT -441% -31% 264% 41% 267% 100%
LV 124% 13% -3% 95% -130% 100%
NL -123% -19% 36% 149% 57% 100%
PT -11% -35% 77% 14% 54% 100%
SI -23% -16% 49% 53% 37% 100%
SK -52% -10% 60% 14% 86% 100%

Une situation très diversifiée selon les pays

Les tableaux précédents montrent que les deux plus grandes économies de la zone euro, l'Allemagne (DE) et la France (FR), se caractérisent par des situations très différentes, voire opposées.

Si l'on excèpte l'investissement des ménages qui contribue pour des parts relativement proches à l'épargne des ménages dans les deux pays, les déterminants de l'épargne des ménages agissent en sens contraire en France et en Allemagne.

En Allemagne, le solde des opérations courantes avec l'extérieur contribue positivement pour 64% à l'épargne brute des ménages ; en France, il y contribue négativement pour 21%. En Allemagne, les sociétés (financières et non financières) contribuent négativement à l'épargne des ménages pour 14% ; en France, elles y contribuent positivement pour 24%. En Allemagne, les administrations publiques contribuent négativement pour 6% à l'épargne des ménages ; en France, elles y contribuent positivement pour 21%.

La contribution négative des sociétés

La principale différence entre le modèle keynésien simplifié et la réalité économique réside dans le rôle des sociétés. Selon le modèle keynésien, les entreprises investissent et les ménages épargnent ou, du moins, c'est parce que les entreprises investissent plus qu'elles n'épargnent que les ménages peuvent avoir une épargne positive. or, dans la zone euro, les tableaux précédents montrent que les sociétés épargnent globalement davantage qu'elles n'investissent. Elles contribuent donc négativement à l'activité économique.

Il convient de distinguer ici les sociétés non financières des sociétés financières.

Sociétés non financières

Le tableau montre comment est déterminé le solde B12 des sociétés non financières (S11) à partir des éléments suivants :

Détermination du solde B12 des sociétés non financières pour l'année 2013
  B2G − D4 − D5 − D6_D8 − P5G = B12
EA19 2.037.810 -642.464 -206.349 -57.694 -1.092.970 38.333
AT 72.300 -21.495 -6.184 -324 -42.937 1.360
BE 85.965 -27.358 -9.542 -571 -54.171 -5.674
CY 4.803 -1.607 -918 -394 -1.041 843
DE 663.109 -265.049 -60.229 -13.237 -291.340 33.254
EE 5.512 -1.672 -309 -477 -3.218 -164
EL 36.159 -4.282 -6.596 -2.330 -8.135 14.816
ES 232.645 -45.380 -17.691 -6.611 -137.853 25.110
FI 41.733 -11.736 -4.586 173 -20.986 4.598
FR 317.433 -68.480 -40.876 -26.169 -237.247 -55.339
IE 55.033 -25.321 -3.929 -300 -18.119 7.364
IT 293.483 -118.671 -34.740 -6.098 -140.113 -6.139
LT 13.174 -6.188 -425 -331 -4.034 2.197
LV 7.001 -1.728 -301 -178 -4.114 680
NL 158.382 -23.980 -9.920 -2.395 -62.879 59.208
PT 31.794 -10.193 -4.950 -951 -14.592 1.108
SI 6.422 -1.123 -436 7 -4.123 747
SK 18.269 -3.751 -1.972 -1.070 -9.477 1.999

Dans ce tableau on notera tout particulièrement les cas de la France, de l'Allemagne et des Pays-Bas. La France est, de loin, le pays qui contribue le plus négativement au solde B12 des sociétés non-financières, c'est-à-dire le pays dont les sociétés non financières contribuent le plus positivement à l'activité économique. À l'inverse, l'Allemagne (DE) et les Pays-Bas (NL) contribuent très fortement au solde B12 des sociétés non financières de la zone euro.

Contributions au solde B12 des SNF pour l'année 2013 en pourcentage de la valeur ajoutée
  B2G − D4 − D5 − D6_D8 − P5G = B12
EA19 40% -12% -4% -1% -21% 1%
AT 42% -12% -4% 0% -25% 1%
BE 40% -13% -4% 0% -25% -3%
CY 59% -20% -11% -5% -13% 10%
DE 42% -17% -4% -1% -18% 2%
EE 47% -14% -3% -4% -28% -1%
EL 64% -8% -12% -4% -14% 26%
ES 42% -8% -3% -1% -25% 5%
FI 40% -11% -4% 0% -20% 4%
FR 30% -6% -4% -2% -22% -5%
IE 56% -26% -4% 0% -19% 8%
IT 41% -17% -5% -1% -20% -1%
LT 58% -27% -2% -1% -18% 10%
LV 51% -13% -2% -1% -30% 5%
NL 41% -6% -3% -1% -16% 15%
PT 41% -13% -6% -1% -19% 1%
SI 35% -6% -2% 0% -22% 4%
SK 52% -11% -6% -3% -27% 6%




 








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