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Opérations ou transactions

Un problème de traduction ?

Les comptables nationaux francophones utilisent le terme "opérations" pour désigner ce que les comptables nationaux anglophones appellent des "transactions". Opérations et transactions sont deux mots d'origine française qui, en français comme en anglais, renvoient à deux sens différents : le mot opération fait référence à une action en vue de l'obtention d'un résultat, le mot transaction fait référence à un échange. Le choix de deux mots différents s'explique donc moins par des problèmes de traduction que par des conceptions différentes de ce que sont les opérations de la comptabilité nationale.

En fait, d'une manière plus ou moins inconsciente, le choix du mot détermine en grande partie le point de vue selon lequel seront compris les comptes nationaux :

La comptabilité nationale prend en compte à la fois les échanges et la création de valeur, le choix entre "opérations" et "transactions" peut donc sembler secondaire, il l'est cependant moins qu'il n'y paraît. En effet, les deux principaux concepts de base de la comptabilité nationale sont la production et le revenu. Si l'on fait abstraction des consommations intermédiaires et si l'on se situe dans le cadre d'une économie fermée, l'égalité fondamentale de la comptabilité nationale est l'égalité entre la production et le revenu, ou plus précisément, la détermination du revenu par la production.

Si l'on se place dans une optique de transactions, on a naturellement tendance à penser que la vente du bien ou du service produit va générer un flux monétaire qui va déterminer à la fois la valeur de la production et le revenu du producteur. Malheureusement, ce n'est pas le point de vue retenu par la comptabilité nationale. En effet, la comptabilité nationale demande de valoriser la production au moment où elle a lieu. Or, le plus souvent et tout particulièrement dans le cas de biens, le moment de la production est différent de celui de la vente. Entre ces deux moments, il peut s'écouler une longue période, parfois de plusieurs mois, pendant laquelle le prix du produit peut varier significativement. La comptabilité nationale n'évalue donc pas la production d'un bien par son prix de vente effectif, mais par le prix auquel il pourrait être vendu au moment de la production. Concrètement, la comptabilité nationale évalue donc la production d'un bien et, par conséquence le revenu qu'elle génère, indépendamment de la vente, ou non, de ce bien.

Pour celui qui raisonne en termes de transactions il n'est pas toujours évident de comprendre que :

Il est donc difficile pour celui qui raisonne en termes de transactions de comprendre que le revenu ne correspond pas à un flux monétaire mais à l'acquisition d'un droit.

Conséquence sur les nomenclatures

L'optique transactions a conduit à distinguer différents types de production. Le système de comptabilité nationale distingue ainsi la production marchande de la production pour usage propre, c'est-à-dire la production qui est conservée par le producteur pour sa consommation ou son investissement. Cette distinction est généralement utile mais elle peut poser des problèmes dans certains cas. En effet, il n'est pas toujours possible de savoir quelle sera l'utilisation d'un bien au moment où il est produit, si bien qu'il n'est pas toujours possible de déterminer rigoureusement si une production doit être classée en production marchande ou production pour usage propre. Cette distinction est justifiée dans le système par le fait qu'elle correspond à deux modes de valorisation de la production différents. En réalité, dans les deux cas, la production est estimée de la même manière, c'est-à-dire au prix de produits similaires vendus sur le marché, car c'est ce prix qui permet de savoir à quel prix le produit pourrait être vendu au moment de sa production.

La distinction entre production marchande et production pour usage propre est la conséquence directe d'un raisonnement en termes de transactions. En effet, si l'on fait abstraction de la transaction, le problème concret qui se pose au comptable national est de savoir comment valoriser un bien qui n'est pas encore vendu, ce problème étant le même que le bien soit vendu un jour ou jamais. En réalité, le comptable national est confronté à deux situations distinctes :

Ces deux situations ne correspondent pas nécessairement à la distinction entre production marchande et production pour usage propre. En effet, un bien destiné à être vendu peut être unique, si bien que sa production devra être évaluée sur la base de son coût. Inversement, un bien produit pour usage propre peut avoir des biens équivalents vendus sur le marché au moment de sa production, si bien que sa production pourra être évaluée par un prix de marché.

On retrouve également le poids de l'optique transactions dans certaines discussions portant, par exemple, sur le troc. Mais l'utilisation du mot transaction à la place du mot opération a d'autres conséquences. Ainsi, dans le système actuel, les opérations sont classées en trois grandes catégories :

Il existe également d'autres postes des comptes d'accumulation, en particulier la consommation de capital fixe. La consommation de capital fixe n'est, en effet, pas une opération car elle ne correspond pas à l'action volontaire d'un agent économique. Malgré cela, dans la révision du système actuel, il a été décidé de rapprocher la consommation de capital fixe de la formation brute de capital fixe et donc de l'intégrer aux opérations. Il est clair que cette décision est beaucoup plus facile à accepter pour les anglophones qui raisonnent en termes de transactions que pour les francophones qui raisonnent en termes d'opérations.

Le circuit économique

Il est fréquent de présenter la comptabilité nationale à partir d'un circuit économique qui fait apparaître des échanges et des flux monétaires, c'est-à-dire qui se place dans une optique de transactions. Cette présentation s'avère extrêmement utile dans un premier temps pour faire comprendre aux débutants la logique économique. On peut cependant penser qu'il serait souhaitable, dans un deuxième temps, de montrer en quoi la logique de la comptabilité nationale diffère de celle du circuit économique. En particulier, il est important de montrer que les équations de la comptabilité nationale ne représentent pas des relations d'équilibre entre l'offre et la demande, mais des relations de nature strictement logique qui montrent l'articulation des différents concepts de la comptabilité nationale. Le choix retenu pour ce site a précisément été de ne pas faire faire reposer la présentation de la comptabilité nationale sur celle du circuit économique, mais de se placer directement dans une optique de création de valeur. Vous seuls pouvez juger si ce choix a été pertinent ou non.

Si vous souhaitez participer à ce débat, vous pouvez le faire en envoyant vos commentaires ou contributions à l'adresse suivante :

debats@comptanat.fr

 

Auteur : Francis Malherbe

 




 








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