L'économie d'un pays comprend de multiples unités qui effectuent des opérations de nature fort diverses. La comptabilité nationale ne peut prétendre à décrire chacune de ces unités individuellement et elle est donc amenée à effectuer des regroupements pour pouvoir être réellement utilisable. Ces regroupements sont essentiels car c'est d'eux que dépendra la capacité de la comptabilité nationale à décrire l'économie nationale d'une manière adaptée aux besoins des économistes et des décideurs.
Mais, avant de définir les regroupements il faut commencer par définir les unités étudiées et cela n'est pas aussi évident qu'il pourrait le paraître. Par exemple, lorsque l'on s'intéresse aux entreprises, doit-on considérer les sociétés, les groupes ou les établissements ? De même, est-il plus pertinent de s'intéresser aux individus ou aux ménages ?
En fait, la comptabilité nationale va définir différents types d'unités en fonction du type d'analyses que l'on souhaite réaliser. Ainsi, deux types d'analyses ont été retenus par la comptabilité nationale, le premier correspond à l'analyse des comportements des agents et fait intervenir le revenu, le capital, les opérations financières et le patrimoine. Le second type d'analyses se rapporte aux relations d'ordre technico-économique et mettent l'accent sur le processus de production.
Les unités institutionnelles sont utilisées pour l'analyse des comportements, leur principale caractéristique est l'autonomie de décision. Le système européen des comptes (SEC 2010) définit les unités institutionnelles de la manière suivante :
une unité institutionnelle est une entité économique caractérisée par une autonomie de décision dans l'exercice de sa fonction principale. Une unité résidente est considérée comme unité institutionnelle sur le territoire économique où elle possède son centre d'intérêt économique prépondérant si elle jouit de l'autonomie de décision et dispose d'une comptabilité complète, ou si elle est à même d'en établir une.
Pour jouir de l'autonomie de décision dans l'exercice de sa fonction principale, une entité doit :
La définition que donne le SEC 1995 de l'autonomie de décision est principalement juridique. Le fait, par exemple, qu'un ménage contrôle à lui seul une société parce qu'il en détient la majorité des actions n'empêche pas la société d'ête considérée comme une unité institutionnelle. De même, les entreprises appartenant à un groupe sont considérées comme des unités institutionnelles indépendantes. Le SEC 2010 donne les précisions suivantes :
Le SEC 2010 précise le taitement de quelques entités.
Les sièges sociaux et les sociétés holding sont des unités institutionnelles. Ils se définissent comme suit :
De vastes groupes de sociétés peuvent se constituer dans lesquels une société mère contrôle plusieurs filiales, dont certaines peuvent de leur côté contrôler d'autres filiales, etc. Chaque membre du groupe doit être traité comme une unité institutionnelle distincte s'il satisfait à la définition de l'unité institutionnelle.
Une entité à vocation spéciale (EVS) ou entité ad hoc est généralement une société à responsabilité limitée ou une société en commandite créée dans un but très spécifique, strictement défini et limité dans le temps, pour éliminer des risques de nature financière, fiscale ou réglementaire.
S'il n'existe pas de définition communément admise de l'entité à vocation spéciale, elle présente typiquement les caractéristiques ci-après ,:
Que l'unité possède la totalité ou ne possède aucune de ces caractéristiques et qu'elle soit ou non décrite comme une entité à vocation spéciale ou une désignation similaire, elle est traitée de la même manière que toute autre unité institutionnelle et est assignée à un secteur et à une branche d'activité sur la base de son activité principale, à moins qu'elle n'ait pas le droit d'agir indépendamment.
Une société holding qui détient simplement des actifs de filiales est un exemple d'institution financière captive. Les autres unités qui sont aussi traitées comme des institutions financières captives sont notamment les unités qui présentent les caractéristiques des entités à vocation spéciale décrites ci-dessus, y compris les fonds d'investissement et les fonds de pension, et les unités utilisées pour détenir et gérer le patrimoine de particuliers ou de familles, émettre des titres de créance pour le compte de sociétés apparentées (une telle société pouvant alors être appelée un «intermédiaire») et exercer d'autres fonctions financières.
Le degré d'indépendance de ces entités par rapport à leur société mère ressort du contrôle qu'elles ont sur leurs actifs et leurs passifs et de la mesure dans laquelle elles peuvent supporter les risques et tirer des revenus liés aux actifs et aux passifs. Ces unités sont classées dans le secteur des sociétés financières.
Une entité de ce type qui ne peut agir indépendamment de sa société mère et n'est qu'un détenteur passif d'actifs et de passifs (on dit parfois qu'elle est «en pilotage automatique») n'est considérée comme une unité institutionnelle distincte que si elle est résidente d'une économie différente de celle de sa société mère. Si elle est résidente de la même économie que sa société mère, elle est considérée comme une «filiale artificielle» conformément à la description ci-dessous.
Une filiale appartenant en totalité à une société mère peut être créée pour fournir des services à celle-ci ou à d'autres sociétés appartenant au même groupe, en général dans le but d'éviter les impôts, de réduire les obligations financières en cas de faillite ou d'obtenir d'autres avantages techniques en vertu de la législation sur les sociétés ou des lois fiscales en vigueur dans un pays donné.
En général, les entités de ce type ne correspondent pas à la définition de l'unité institutionnelle car elles n'ont pas la capacité d'agir indépendamment de leur société mère et que leur capacité de détenir ou de gérer les actifs figurant dans leur bilan peut être limitée. Leur niveau de production et la rétribution qu'elles reçoivent en échange sont déterminés par la société mère qui (parfois avec d'autres sociétés du même groupe) est leur seul client. Elles sont donc considérées non pas comme des unités institutionnelles distinctes, mais comme faisant partie intégrante de leur société mère. Leurs comptes sont donc regroupés avec ceux de leur société mère, sauf si elles sont résidentes d'un territoire économique autre que celui où réside cette dernière.
Les administrations publiques peuvent aussi créer des unités spéciales, dotées de caractéristiques et de fonctions analogues à celles des institutions financières captives et des filiales artificielles. De telles unités n'ont pas le pouvoir d'agir indépendamment, et la gamme des opérations dans lesquelles elles peuvent s'engager est limitée. Elles ne supportent pas les risques et ne perçoivent pas de revenus liés aux actifs et aux passifs qu'elles détiennent. De telles unités, si elles sont résidentes, doivent être traitées comme faisant partie intégrante des administrations publiques et non comme des unités distinctes. Si elles sont non résidentes, elles doivent être traitées comme des unités distinctes. Toutes les opérations qu'elles réalisent à l'étranger doivent se refléter dans des opérations correspondantes avec les administrations publiques. Ainsi, une unité qui emprunte à l'étranger est considérée comme prêtant la même somme aux administrations publiques, et dans les mêmes conditions, que l'emprunt d'origine.
Le SEC 2010 définit également des unités fictives :
Par unités résidentes fictives, il faut entendre :
Les unités institutionnels sont regroupées en secteurs institutionnels. Le SEC 2010 définit cinq grands secteurs institutionnels :
Le reste du monde est également assimilé à un secteur institutionnel par le SEC 2010 même s'il ne correspond pas réellement à un regroupement d'unités. Les secteurs institutionnels sont eux-mêmes décomposés en sous-secteurs qui sont présentés dans les chapitres correspondants. La séquence complète des comptes n'est généralement disponible qu'au niveau des secteurs institutionnels et de leurs principaux sous-secteurs.
Une entreprise qui est une unité institutionnelle peut avoir plusieurs productions de natures différentes. Par exemple, une entreprise de transport routier qui a pour activité principale le transport peut également avoir une activité secondaire de réparation. Dans ces conditions, si l'on souhaite étudier les processus de production, il est préférable de décomposer les entreprises en différents éléments correspondant chacun à une activité particulière. Ainsi, l'entreprise de transport pourra être décomposé en une unité de prestations de services de transport et en une unité de prestation de services de réparation. Pour cela, deux méthodes sont possibles. La première repose sur une décomposition en établissements. En comptabilité nationale, un établissement se caractérise d'une part par une réalité physique, topographique, d'autre part par la disponibilité d'information. Dans le SEC 2010, l'établissement prend le nom d'unité d'activité économique au niveau local qui est définie de la manière suivante :
l'unité d'activité économique au niveau local (UAE locale) est la partie d'une unité d'activité économique relevant du niveau local. Dans le SCN 2008 et la CITI Rév. 4, l'UAE locale est appelée «établissement». L'UAE regroupe l'ensemble des parties d'une unité institutionnelle en sa qualité de producteur qui concourent à l'exercice d'une activité du niveau «classe» (quatre chiffres) de la NACE Rév. 2; l'UAE correspond à une ou plusieurs subdivisions opérationnelles de l'unité institutionnelle. L'unité institutionnelle doit disposer d'un système d'information permettant de fournir ou de calculer pour chaque UAE locale au moins la valeur de la production, la consommation intermédiaire, la rémunération des salariés, l'excédent d'exploitation, la formation brute de capital fixe ainsi que le volume de l'emploi.
L'unité locale correspond à une unité institutionnelle, ou à une partie d'unité institutionnelle, produisant des biens ou des services en un lieu topographiquement identifié.
L'établissement est naturellement au moins aussi homogène que l'entreprise du point de vue du processus de production et le comptable national souhaite qu'il le soit davantage, mais ce n'est pas toujours le cas. Par exemple, l'entreprise de transport peut exercer ses deux activités en un même lieu et ne pas les distinguer dans sa comptabilité, dans ce cas la totalité de l'entreprise correspondra à un seul établissement qui aura lui aussi deux activités distinctes.
Les établissements sont regroupés en fonction de leurs activités principales. Ce regroupement se fait par rapport à une nomenclature d'activités. Dans le système de comptabilité des Nations-Unies (SCN), cette nomenclature est la Classification internationale type par industrie (CITI), dans le système européen des comptes (SEC) la nomenclature de référence est la Nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE) qui est elle-même dérivée de la CITI. Le regroupement d'établissements de même activité principale est la branche d'activité. Le SEC 2010 en donne la définition suivante :
une branche d'activité regroupe les unités d'activité économique au niveau local exerçant une activité économique identique ou similaire. Au niveau le plus détaillé de la classification, une branche d'activité comprend l'ensemble des UAE locales relevant d'une même classe (quatre chiffres) de la NACE Rév. 2 et qui exercent donc la même activité, telle que définie dans cette nomenclature.
Les branches d'activité ne sont cependant pas totalement satisfaisantes car elles ne sont pas pures, une même branche d'activité ayant des activités correpsondant à plusieurs activités différentes au niveau de détail le plus fin de la nomenclature d'activités de référence. Aussi, les comptables nationaux sont allés plus loin et ils ont cherché à définir des branches parfaitement homogènes (en France, historiquement, ils ont même commencé par cette approche). Ils ont donc défini des unités de production homogènes. Le SEC 2010 donne de l'unité de production homogène la définition suivante :
l'unité de production homogène exerce une activité unique définie par ses entrées de produits, son processus de production et ses sorties de produits. Les produits qui constituent les entrées et les sorties sont eux- mêmes caractérisés à la fois par leur nature, leur stade d'élaboration et la technique de production utilisée; ils peuvent être classés selon une nomenclature des produits (classification statistique des produits associée aux activités - CPA). La CPA est une nomenclature de produits dont la structure est fondée sur le critère d'origine industrielle, concept défini dans la NACE Rév. 2.
Les regroupements d'unités homogènes sont des branches homogènes. Le SEC 2010 en donne la définition suivante :
la branche homogène constitue un regroupement d'unités de production homogène. L'ensemble des activités couvertes par une branche homogène est décrit par référence à une nomenclature de produits. La branche homogène produit les biens ou services décrits dans la nomenclature et rien que ceux-ci.
Les branches homogènes sont des unités conçues pour l'analyse économique. Les unités de production homogène ne pouvant généralement pas être observées directement, elles doivent être reconstituées à partir de données relevées sur les unités utilisées dans les enquêtes statistiques.