10.01. Dans un système de comptes économiques, tous les flux et stocks sont exprimés en unités monétaires. L'unité monétaire est en effet le seul dénominateur commun pouvant servir à évaluer les opérations de nature très diverse qui y sont retracées et à en calculer les soldes significatifs. Le recours à l'unité monétaire comme unité de mesure ne doit pas faire oublier qu'il ne s'agit là ni d'un étalon stable, ni d'un étalon international.
L'une des préoccupations essentielles de l'analyse économique consiste à mesurer la croissance économique en termes de volume, ce pourquoi il faut distinguer, dans les variations de valeur de certains agrégats économiques, celles qui traduisent de simples variations de prix de celles qui sont dues à une composante «volume», les «variations de volume».
Mais l'analyse économique se préoccupe également de procéder à des comparaisons dans l'espace, c'est-à-dire entre les différentes économies nationales. Bien qu'il s'agisse essentiellement d'effectuer des comparaisons internationales des niveaux de production et de revenu en termes de volume, les niveaux de prix présentent eux aussi un intérêt. Les différences de valeurs observées entre les agrégats économiques de groupes de pays doivent par conséquent être décomposées de façon à faire apparaître séparément les différences de volume et les différences de prix.
10.02. Toute comparaison de flux ou de stocks dans le temps impose d'assigner une égale importance à une mesure adéquate de l'évolution des prix et à celle de l'évolution en volume. À court terme, l'observation des variations de prix ne présente pas un intérêt moindre que la mesure du volume de l'offre et de la demande. À plus long terme, l'étude du développement économique ne peut faire abstraction de l'évolution des prix relatifs des différentes catégories de biens et de services.
L'objectif premier ne consiste pas simplement à fournir une mesure complète des variations de prix et de volume pour les principaux agrégats, mais également à constituer un ensemble de mesures interdépendantes permettant des analyses systématiques et détaillées de l'inflation et de la croissance économique, ainsi que de leurs fluctuations.
10.03. En règle générale, une comparaison dans l'espace exige que les composantes en volume et en prix des agrégats économiques soient mesurées de façon précise. L'écart entre les formules de Laspeyres et de Paasche étant souvent important lorsqu'il s'agit de ce type de comparaisons, la formule de Fisher est la seule envisageable à ces fins.
10.04. Les comptes économiques ont l'avantage de fournir un cadre approprié à la construction d'un système d'indices de volume et de prix et d'assurer la cohérence des données statistiques.
Les avantages attachés à une approche comptable peuvent se résumer de la façon suivante:
10.05. Malgré les avantages attachés à un système intégré reposant sur l'équilibre — global et par branche — des opérations sur biens et services, il faut bien reconnaître que les indices de prix et de volume ainsi obtenus ne satisfont pas à tous les besoins ni ne répondent à toutes les questions que l'on peut se poser au sujet de l'évolution des prix ou des volumes. Les contraintes comptables et le choix de formules d'indices de prix et de volume, quoiqu'indispensables à la construction d'un système cohérent, peuvent se révéler gênants. Il apparaît également nécessaire de disposer d'informations pour des périodes plus courtes — mois ou trimestres. Dans ce cas, d'autres types d'indices de prix et de volume peuvent être utiles.
10.06. Parmi l'ensemble des flux qui apparaissent dans les comptes économiques à prix courants, il en est un certain nombre — concernant principalement des produits — pour lesquels la distinction opérée entre variations de prix et variations de volume est identique à celle effectuée au niveau microéconomique. Pour de nombreux autres flux, cette distinction est beaucoup plus difficilement concevable.
Dans le premier cas, on se trouve en présence de flux couvrant un ensemble d'opérations élémentaires sur biens et services, la valeur de chacune équivalant au produit d'un certain nombre d'unités physiques par leur prix unitaire respectif. Il suffit dans ce cas de connaître la décomposition du flux en question en opérations élémentaires afin de déterminer sa variation moyenne en prix et en volume.
Dans le second cas — qui concerne un certain nombre d'opérations de répartition et d'intermédiation financière ainsi que des soldes tels que la valeur ajoutée —, il est difficile, voire impossible, de décomposer directement les valeurs courantes en leurs composantes de prix et de volume; des solutions spécifiques doivent alors être adoptées.
Il apparaît également nécessaire de mesurer le pouvoir d'achat réel d'un certain nombre d'agrégats, tels que la rémunération des salariés, le revenu disponible des ménages ou le revenu national. Cela peut par exemple être effectué en déflatant ces agrégats par un indice de prix des biens et services qu'ils permettent d'acheter.
10.07. Il convient de souligner que l'objectif et la méthode de calcul du pouvoir d'achat réel diffèrent fondamentalement de ceux propres à la déflation des biens et services et des soldes comptables. Pour ces derniers, en effet, un système intégré d'indices de prix et de volume peut être établi, ce qui sera notamment utile pour la mesure de la croissance économique. L'évaluation en termes réels de flux appartenant à la dernière catégorie fait appel à des indices de prix relatifs à des flux autres que ceux considérés et qui, par ailleurs, peuvent différer selon le but recherché; dans la mesure où elle a un caractère conventionnel, il n'y aura pas une seule mais plusieurs manières de la réaliser à l'intérieur d'un système intégré d'indices de prix et de volume.
10.08. Le partage systématique de la variation des valeurs courantes en ses composantes «variation de prix» et «variation de volume» se limite aux flux représentant des opérations retracés dans les comptes de biens et services (0) et dans les comptes de production (I); il est effectué aussi bien pour les données par branche que pour celles relatives à l'économie totale. Les flux représentant des soldes comptables, tels que la valeur ajoutée, ne peuvent être directement transformés en composantes de prix et de volume; cela ne peut être fait qu'indirectement à partir des flux d'opérations correspondants.
L'utilisation du cadre comptable impose une double contrainte au processus d'élaboration des données:
Une troisième contrainte, qui n'est pas inhérente à l'utilisation d'un cadre comptable mais qui découle d'un choix délibéré, veut que toute variation de valeur des opérations soit attribuée soit à une variation de prix, soit à une variation de volume, ou encore à une combinaison des deux.
En se pliant à cette triple exigence, l'évaluation des comptes de biens et services et des comptes de production à prix constants permet d'obtenir un ensemble intégré d'indices de prix et de volume.
10.09. Les grandeurs à prendre en considération pour la construction d'un tel ensemble intégré sont les suivantes:
10.10. Outre les mesures de prix et de volume examinées plus haut, les agrégats suivants peuvent eux aussi être dissociés en leurs propres composantes de prix et de volume, les objectifs de telles mesures étant divers.
Les stocks en début et fin de période peuvent devoir être évalués à prix constants afin d'estimer leur variation en volume au cours de la période considérée.
Le stock d'actifs fixes produits doit être évalué à prix constants afin d'estimer les coefficients de capital (ratios capital/production) et de disposer d'une base pour l'estimation de la consommation de capital fixe à prix constants.
La rémunération des salariés doit être calculée en prix constants afin de pouvoir mesurer la productivité; tel est également le cas lorsque la production a été estimée en ayant recours à des données sur les entrées exprimées en prix constants.
10.11. La rémunération des salariés constitue un élément de revenu. Afin de mesurer le pouvoir d'achat, elle peut être évaluée en termes réels par déflation à l'aide d'un indice reflétant le prix des produits achetés par les salariés.D'autres concepts de revenu, tels que le revenu disponible des ménages et le revenu national, peuvent aussi être mesurés en termes réels en recourant à la même méthode générale.
10.12. La création d'un système intégré d'indices de prix et de volume repose sur l'hypothèse que, pour un bien ou un service homogène donné, sa valeur (v) est égale au prix unitaire (p) multiplié par le nombre d'unités (q), c'est-àdire:
v = pq
10.13. Définition: Le prix est défini comme la valeur d'une unité de produit dont les quantités sont parfaitement homogènes non seulement en termes physiques, mais également du point de vue d'un certain nombre de caractéristiques qualitatives décrites au point 10.16. Pour être additives en termes économiques, ces quantités doivent être identiques et avoir le même prix unitaire. Pour chaque agrégat d'opérations sur biens et services présenté dans les comptes, les mesures de prix et de quantité doivent être établies de telle sorte que:
indice en valeur = indice de prix × indice de volume
ce qui signifie que chaque variation de la valeur d'un flux donné doit être attribuée soit à une variation de prix, soit à une variation de volume, ou encore à une combinaison des deux.
10.14. Dans le cas des opérations sur biens, il est normalement facile de définir l'unité physique qui fait l'objet de l'opération, et par conséquent le prix unitaire. Dans quelques cas toutefois, notamment celui des biens de capital uniques, cela est plus ardu et des solutions spécifiques devront être recherchées.
Dans le cas des opérations sur services, il est souvent plus difficile de saisir les caractéristiques déterminant l'unité physique, et des divergences de vue sur les critères à retenir peuvent apparaître. Cela peut concerner des branches importantes, telles que les services d'intermédiation financière, le commerce de gros et de détail, les services aux entreprises, l'éducation, la recherche et le développement, la santé ou les loisirs. Étant donné l'importance croissante des branches de services, il est essentiel de rechercher, dans le choix des unités physiques, des solutions communes, même si elles sont conventionnelles.
10.15. Parmi les caractéristiques physiques et autres à prendre en considération pour identifier les produits, la qualité joue un rôle important et soulève en même temps des problèmes statistiques délicats.
Le fait est que, pour de nombreux biens et services destinés à un usage déterminé, il existe plusieurs variétés, correspondant à des qualités différentes et caractérisées par des prix unitaires différents.
10.16. Les différences de qualité se trouvent reflétées par les facteurs suivants:
Pour des caractéristiques physiques données, les différences affectant les autres facteurs font que les unités physiques ne sont plus identiques au sens économique et que leur valeur est appelée à se modifier d'une unité à l'autre. Ces différences dans la valeur unitaire sont considérées comme des différences de volume et non comme des différences de prix.
En réalité, le paiement effectué lors de l'acquisition d'un bien ne couvre pas seulement le prix du bien, mais également celui des services associés à la fourniture de ce bien. Il convient dès lors de considérer comme des produits distincts les biens identiques vendus à des prix différents et dans des conditions différentes. Cette conclusion est explicitement prise en compte par les tableaux des ressources et des emplois aux prix de base, dans lesquels la valeur des marges commerciales et des marges de transport — qui représentent l'essentiel des services associés à la fourniture des biens — est enregistrée séparément.
10.17. Au sein d'un marché donné et pour une même période, la coexistence de plusieurs valeurs unitaires peut être considérée, sauf pour les cas décrits au point 10.19, comme la marque de différences qualitatives. Ainsi, différents modèles d'une même gamme de véhicules, voire différentes versions d'un même modèle, devront être traités comme des produits différents, de même qu'une distinction devra être opérée entre des voyages par chemin de fer selon qu'ils sont effectués en première ou en seconde classe.
L'établissement des mesures de prix et de volume exige une nomenclature de produits aussi fine que possible, de telle sorte que chaque produit ainsi identifié présente le maximum d'homogénéité, quel que soit le niveau de désagrégation utilisé dans la présentation des résultats.
10.18. La dimension qualitative doit également être prise en considération lorsque sont retracées des variations dans le temps. Une variation de qualité due, par exemple, à la modification des caractéristiques physiques d'un produit devra être considérée comme une variation de volume et non comme une variation de prix. Mais il faut aussi tenir compte des effets de l'agrégation: une variation dans la composition d'un flux entraînant, par exemple, une amélioration de la qualité moyenne devra être considérée comme une augmentation de volume et non comme une augmentation de prix. Il s'ensuit que, pour la production, les effets des glissements entre marchés sur lesquels des prix différents sont pratiqués (par exemple, marché intérieur/exportations ou emplois industriels/produits de consommation) seront traités comme des variations en volume et non en prix. Il s'ensuit également qu'une variation de prix pour un flux donné ne pourra se produire qu'à la suite de variations de prix au niveau des opérations prises individuellement.
10.19. Définition: Lorsque certaines circonstances sont réunies — à savoir un manque d'information ou une discrimination de prix, reflétant tous deux une liberté de choix limitée ou l'existence d'un marché parallèle —, il faut considérer que des différences dans la valeur unitaire traduisent non pas des différences de qualité, mais des différences de prix.
10.20. Il y a manque d'information lorsqu'un acquéreur n'est pas correctement informé des différences de prix en vigueur et risque dès lors d'acquérir un bien ou un service à un prix supérieur à celui auquel il aurait pu l'obtenir autrement. Cette situation — ou la situation inverse — peut également se produire lorsque le prix fait l'objet d'une négociation ou d'un marchandage entre acheteurs et vendeurs individuels. Par ailleurs, la différence observée entre le prix moyen d'un bien acheté dans un marché ou un bazar — où de tels marchandages sont souvent de mise — et le prix du même bien vendu dans un autre type de commerce, tel qu'un grand magasin, devrait normalement être traitée comme reflétant une différence de qualité attribuable à des conditions de vente différentes.
10.21. Il y a discrimination de prix lorsque des vendeurs se trouvent dans une situation qui leur permet de facturer des prix différents à des catégories d'acheteurs différentes, et ce pour des biens et services identiques vendus dans des conditions exactement semblables. La liberté de choix d'un acheteur appartenant à une catégorie particulière se trouve dans ce cas limitée, voire inexistante. Le principe adopté ici consiste à considérer ces variations de prix comme une discrimination de prix lorsque des prix différents sont facturés pour des unités identiques vendues dans des conditions semblables sur un marché clairement délimité. Les variations de prix dues à une telle discrimination ne constituent pas des différences de volume.
La possibilité d'une revente des biens sur un marché donné entraîne que la discrimination de prix pour ces types de produits peut, le plus souvent, être considérée comme négligeable. Les éventuelles différences de prix sur des produits peuvent généralement être imputées à un manque d'information ou à l'existence de marchés parallèles.
Dans les branches de services, comme dans le secteur des transports, les producteurs peuvent accorder des avantages tarifaires à des groupes de personnes dont les revenus sont habituellement inférieurs à la moyenne, tels que retraités ou étudiants. Si ceux-ci sont libres de voyager au moment où ils le souhaitent, alors ces avantages tarifaires doivent être considérés comme une discrimination de prix. Toutefois, s'ils bénéficient de tarifs réduits à la condition de ne voyager que durant certaines périodes, habituellement en dehors des heures ou périodes de pointe, on estime alors que c'est une qualité de transport moindre qui leur est proposée.
10.22. Diverses raisons expliquent l'existence de marchés parallèles: les acheteurs peuvent ne pas être en mesure d'acheter autant qu'ils le souhaiteraient à un prix avantageux, en raison de disponibilités insuffisantes au prix en question; un second marché, parallèle, et où les prix seront plus élevés, peut alors exister. L'existence d'un marché parallèle peut également être due à la possibilité, pour les vendeurs, de proposer des prix inférieurs dès lors qu'ils évitent ainsi certaines taxes. Là encore, les variations de prix constituent une différence de prix et non de volume.
10.23. Il peut se produire une modification de la structure d'un flux qui affecte sa valeur totale quand, en situation de manque d'information, de discrimination de prix et d'existence de marchés parallèles, des produits identiques sont vendus à des prix différents.
Supposons qu'une certaine quantité d'un bien ou d'un service déterminé soit vendue à un prix inférieur à une catégorie spécifique d'acheteurs sans qu'il n'y ait aucune différence quant à la nature du bien ou du service proposé, au lieu, au moment ou aux conditions de vente, ni à un quelconque autre facteur. Toute diminution correspondante de la quantité relative vendue au prix inférieur a pour effet d'élever le prix moyen payé par les acheteurs du bien ou du service concerné. Cette variation doit être comptabilisée comme une augmentation de prix et non de volume.
10.24. L'institution d'un système global d'indices de prix et de volume couvrant tous les emplois et les ressources de biens et services se heurte à une difficulté particulière lorsqu'il s'agit de mesurer la production de services non marchands. Ces derniers diffèrent des services marchands en ceci qu'ils ne sont pas vendus aux prix du marché et que leur valeur à prix courants est, par convention, considérée comme égale à la somme des coûts supportés, c'est-à-dire de la consommation intermédiaire, de la rémunération des salariés, des autres impôts moins les subventions sur la production et de la consommation de capital fixe.
10.25. En l'absence d'un prix marchand unitaire, la variation du «coût unitaire» d'un service non marchand peut être considérée comme une bonne approximation de la variation de son prix. Si les services non marchands sont consommés sur une base individuelle, il est en principe possible d'estimer les quantités, lesquelles sont homogènes et reflètent l'utilisation de ces services, et d'appliquer ensuite les coûts unitaires d'une année de base, pour obtenir des données exprimées à prix constants. Avec ce type de mesure de la production, il est possible d'analyser les changements de productivité pour les services non marchands individuels. S'agissant des services collectifs, il n'est généralement pas possible d'en fixer les coûts unitaires ni d'en préciser les quantités reflétant leur utilisation. Les utilisateurs doivent garder cela présent à l'esprit quand ils essaient de déterminer, par des méthodes indirectes, les variations de la productivité pour les services collectifs.
10.26. Dans le cadre des comptes économiques, il est capital de reconnaître le principe selon lequel la production et la consommation de services non marchands — tout comme la production et la consommation de biens et de services marchands —doivent être définies sur la base des flux réels de ces biens et services et non sur celle des résultats finals obtenus par leur utilisation. Ces résultats dépendant également de plusieurs autres facteurs, il n'est pas possible de mesurer, par exemple, le volume des services d'enseignement par l'augmentation du niveau d'éducation, ou encore le volume des services de santé par l'amélioration du niveau de santé de la population.
10.27. La valeur ajoutée, qui constitue le solde du compte de production, est la seule à faire partie du système intégré d'indices de prix et de volume. Les caractéristiques très particulières de ce solde comptable doivent toutefois être soulignées, tout comme l'importance des indices de prix et de volume qui s'y rattachent.
Contrairement aux divers flux de biens et de services, la valeur ajoutée ne représente pas une catégorie d'opérations définie de façon précise. Il n'est donc pas possible de la scinder directement en une composante de prix et une composante de volume.
10.28. Définition: La valeur ajoutée à prix constants se définit comme la différence entre la production à prix constants et la consommation intermédiaire à prix constants. Ainsi:
VA = ΣP(0)Q(1) − Σ p(0)q(1)
où P et Q correspondent aux prix et aux quantités de la production et p et q aux prix et aux quantités de la consommation intermédiaire. La méthode théoriquement correcte pour calculer la valeur ajoutée à prix constants consiste à procéder à une double déflation, c'est-à-dire à déflater séparément les deux flux du compte de production (production et consommation intermédiaire) et à calculer le solde de ces deux flux une fois réévalués.
10.29. Dans certains cas, lorsque les données statistiques sont incomplètes ou insuffisamment fiables, il peut s'avérer nécessaire de recourir à un indicateur unique. Si l'on dispose de données satisfaisantes sur la valeur ajoutée aux prix courants, à défaut de procéder à une double déflation, il est possible de déflater directement la valeur ajoutée courante par un indice des prix de la production, ce qui impose de poser comme hypothèse que l'évolution des prix de la consommation intermédiaire suit celle des prix de la production. Une autre méthode envisageable consiste à extrapoler la valeur ajoutée de l'année de base par un indice de volume de la production. Cet indice de volume peut être calculé, soit directement à partir de données quantitatives, soit en déflatant la valeur courante de la production par un indice de prix approprié. Cette méthode part en fait de l'hypothèse que les variations en volume sont identiques pour la production et pour la consommation intermédiaire.
Pour certaines branches de services marchands et non marchands, tels que les services financiers, les services aux entreprises, l'éducation ou la défense, il peut être impossible de disposer d'estimations satisfaisantes des variations de prix ou de volume de la production; dans ce cas, les mouvements de la valeur ajoutée à prix constants peuvent être estimés par le biais de la variation de la rémunération des salariés à taux de salaire constants et de la consommation de capital fixe à prix constants. Il est possible que les responsables de l'établissement des données soient contraints d'adopter semblables palliatifs, même si rien ne permet de supposer raisonnablement que la productivité du travail reste inchangée dans le court ou le long terme.
10.30. Ainsi, de par leur nature même, les indices de volume et de prix utilisés pour l'estimation de la valeur ajoutée s'écartent nettement des indices correspondants utilisés pour les flux de biens et services. Il en va de même pour les indices de prix et de volume de soldes agrégés tels que le produit intérieur brut. Celui-ci correspond à la somme de toutes les valeurs ajoutées diminuée des SIFIM (c'est-à-dire à une somme de soldes), à laquelle on ajoute tous les impôts moins les subventions sur les produits; d'un autre point de vue, il peut être considéré comme représentant le solde entre le total des emplois finals et les importations.
10.31. L'application aux différents flux du système de ces principes relatifs aux prix et aux volumes demande que soient précisées les solutions à donner à un certain nombre de problèmes qui peuvent se poser.
10.32. La nécessité de savoir à quels facteurs, parmi ceux décrits à la section précédente, attribuer les différences de prix se fait sentir à chaque fois que sont étudiées des séries chronologiques de la valeur ajoutée et que doivent être distinguées les variations de prix des variations de volume. Il s'ensuit que, même à un niveau d'analyse très fin, les séries de données quantitatives peuvent ne constituer qu'une mesure grossière des variations en volume, puisqu'elles ne reflètent pas de façon satisfaisante les variations susceptibles d'être intervenues dans la composition de ces divers types de qualité. C'est ainsi, par exemple, qu'un nombre constant d'unités physiques retraçant un flux donné va en réalité sous-estimer la variation en volume si la composition s'est modifiée au profit d'unités présentant une qualité supérieure. Le changement ainsi opéré au niveau de la qualité moyenne doit être enregistré sous forme d'un accroissement de l'indice de volume. De manière générale, la meilleure méthode d'estimation des variations en volume des flux de biens et de services consiste à déflater les données en valeurs à l'aide d'indices de prix. Toute variation de la qualité moyenne se trouvant correctement reflétée dans les séries en valeur, la division par un indice de prix représentatif — ajusté pour tenir compte des variations qualitatives — permet d'obtenir un indice en volume correct.
10.33. Mais la déflation à l'aide d'indices de prix ne constitue pas nécessairement la meilleure solution dans la pratique, et d'autres méthodes doivent être envisagées. Des séries en valeur peuvent, par exemple, avoir été construites en multipliant les prix par les quantités; des données en prix constants peuvent ainsi être obtenues en recourant aux prix de l'année de base. Il arrive toutefois que certaines séries en valeur soient de qualité médiocre, ou qu'il soit difficile d'obtenir des indices de prix fiables; les estimations peuvent alors être effectuées à partir d'indicateurs quantitatifs. Dans ce cas, il convient de s'assurer que les quantités se rapportent à des produits aussi homogènes que possible. Si aucune des méthodes qui viennent d'être décrites n'est applicable, les données en prix constants relatives à la production peuvent devoir être établies à partir d'estimations des entrées en prix constants.
10.34. Pour les services non marchands, la méthode consistant à déflater les valeurs à l'aide d'indices de prix n'est pas envisageable, et d'autres solutions doivent être adoptées. Celles-ci font l'objet des points 10.41 à 10.46.
10.35. De tous les flux de l'économie, ce sont les flux de biens et de services marchands qui se prêtent le mieux à une décomposition de la variation de leur valeur en une variation de volume et une variation de prix. En vue d'une telle décomposition, il conviendra de distinguer entre:
10.36. Les flux de la catégorie a) sont de loin les plus courants. Par leur nature même, leurs variations de valeur peuvent être scindées en une composante volume et une composante prix. La méthode générale consistant à déflater la valeur courante de ces flux par des indices de prix est applicable chaque fois que les biens et services peuvent être exprimés sous forme d'unités, dont la plupart demeurent homogènes d'une année à l'autre.
10.37. Les flux de la catégorie b), qui représentent des opérations fictives, se caractérisent par l'absence d'un véritable prix de transaction. Tel est le cas de la production agricole pour usage final propre et des biens destinés à la formation de capital fixe pour compte propre. S'agissant des services, la catégorie la plus importante concerne les logements occupés par leur propriétaire. Les valeurs correspondant à ces flux imputés doivent être obtenues à partir des prix appliqués sur le marché à des produits similaires, le déflateur devant par conséquent demeurer inchangé. Étant donné qu'il est généralement nécessaire d'évaluer la production des travaux de construction pour compte propre à partir des coûts de production plutôt qu'à partir des prix, le déflateur doit être ajusté pour en tenir compte.
10.38. Les flux les plus importants de la catégorie c) sont ceux dont la valeur à prix courants est obtenue sous forme de solde entre les valeurs de deux flux de biens. Tel est le cas des marges commerciales, dont la valeur à prix courants se définit comme la différence entre le prix réel ou imputé pratiqué sur un bien acheté à des fins de revente par un grossiste ou un détaillant et le prix qui devrait être payé par le distributeur pour remplacer le bien au moment où celui-ci a été vendu ou cédé de quelqu'autre manière que ce soit. La valeur des marges commerciales à prix constants peut donc également s'obtenir sous forme de solde, en déduisant de la valeur à prix constants des biens revendus par le commerce la valeur à prix constants des biens achetés à des fins de revente. Une autre méthode de mesure consisterait à extrapoler les marges commerciales de l'année de base, soit par le volume des ventes, soit par le volume des achats effectués par les grossistes et les détaillants. Pour obtenir des résultats corrects, cette méthode doit tenir compte du fait que les marges commerciales varient parmi les différents produits et emplois. Les tableaux des ressources et des emplois rendent compte explicitement de ce fait.
10.39. La catégorie c) recouvre également la production des services d'agences de voyages, mesurée comme la valeur du service qu'elles facturent (frais de dossiers et commissions diverses). La valeur de ce service peut également se mesurer comme la différence entre deux flux — le montant total versé par l'acquéreur et la dépense en transport et logement consentie par le producteur. La mesure du volume correspond à la différence entre ces deux flux, calculée en prix constants. On peut également définir la valeur de ces frais de dossiers et commissions comme le prix unitaire du type de transport ou de logement organisé par le producteur; dès lors, l'indicateur en volume du service varierait parallèlement à ces flux.
10.40. Les flux de la catégorie d) correspondent aux services d'intermédiation financière; en fait également partie le service des entreprises d'assurance et des fonds de pension. Les services d'intermédiation financière sont fournis par des banques et autres sociétés financières et consistent à prêter de l'argent aux entreprises ou aux ménages, à proposer divers moyens d'épargne, à conserver en lieu sûr l'argent et autres objets de valeur, à vendre et acheter des devises étrangères, à compenser les chèques, à proposer des analyses économiques générales, à négocier des effets mobiliers et à offrir des conseils en investissement. Dans certains cas, ces services peuvent être aisément définis et donner lieu au versement de sommes précises, comme cela est, par exemple, le cas pour la location d'un coffre auprès d'une banque, ou lorsque sont facturés des frais dans le cadre d'opérations sur valeurs mobilières ou d'emprunts. La valeur courante des opérations peut alors être définie, ainsi que les prix et quantités nécessaires à la mesure du prix et du volume. Toutefois, une ventilation en une composante prix et une composante volume des services d'intermédiation financière mesurés indirectement et des services d'assurance, de par son caractère généralement arbitraire, devrait reposer sur des conventions.
10.41. Les services non marchands produits par les administrations publiques et les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) couvrent toute une gamme de services à la fois nécessaires et utiles à la société. Il convient d'en distinguer deux grandes catégories:
10.42. Les services individualisables peuvent être fournis à des personnes prises individuellement (c'est le cas des soins de santé) ou à des groupes de personnes (c'est le cas de l'enseignement). De par leur nature, ces services peuvent être dispensés sur une base marchande ou non marchande; bien souvent, l'individu pourra bénéficier de ce type de services, soit en s'adressant à une unité marchande (et en en acquittant le prix), soit en recourant à une unité non marchande d'une administration publique ou d'une institution sans but lucratif au service des ménages (bénéficiant alors de la gratuité, ou quasi-gratuité, de ces services).
Pour les unités marchandes, c'est la méthode consistant à déflater les valeurs courantes par des indices de prix qui devrait être utilisée, puisqu'il a été clairement démontré que les variations subies par la composition d'un ensemble de produits affectés de prix différents influençaient plutôt les volumes que les prix. Pour les services individualisables non marchands, les estimations de la production pourraient reposer sur des indicateurs quantitatifs. S'agissant de l'éducation, ceux-ci pourraient correspondre au nombre d'heures passées par les élèves en classe ou en activité de soutien individuel, alors que, pour les services de santé non marchands, ces indicateurs devraient, par exemple, refléter un traitement en milieu hospitalier ou des visites effectuées par le personnel médical ou infirmier; dans un cas comme dans l'autre, une dimension qualitative se trouve reflétée dans le montant des ressources consacré à chaque élève ou à chaque patient. Il convient de veiller à ce que les données utilisées soient assorties d'une ventilation détaillée, de telle sorte que chaque indicateur faisant l'objet de calculs soit aussi homogène que possible du point de vue des coûts; ce n'est que dans ce cas que les variations affectant la composition d'un ensemble de produits apparaissent bien comme des variations en volume.
La variation en volume de la production et de la consommation de services individualisables devrait en principe être mesurée sur la base de l'utilisation qui est faite de ces services; on évitera ainsi de faire appel, pour des services de même nature, à des critères différents selon qu'ils présentent un caractère marchand ou non marchand. Toute variation de qualité doit bien sûr être traitée comme une variation de volume, mais cela vaut aussi bien pour les services marchands que pour les services individualisables non marchands.
10.43. Les services purement collectifs sont produits par les administrations publiques au bénéfice de l'ensemble de la collectivité. Ils couvrent en fait une vaste gamme d'activités, telles que les services d'administration générale, de défense nationale, de relations extérieures, de justice et de police, d'urbanisme et d'environnement, de politique économique, etc. S'agissant de services consommés collectivement, de façon diffuse et continue, il ne saurait être question de mesurer le volume de leur production par l'ampleur de leur utilisation.
10.44. Étant donné qu'il peut se révéler impossible dans la pratique de disposer d'indicateurs quantitatifs fiables pour les services individualisables non marchands, il peut être nécessaire de les mesurer en termes de volume en recourant aux mêmes méthodes que celles appliquées aux services purement collectifs. Il est dès lors nécessaire de se baser sur une évaluation à prix constants des différents éléments de coût de cette production, à savoir:
Le recours à des mesures des entrées intermédiaires comme approximation de la production rend impossible toute analyse de la productivité.
10.45. Le calcul de la consommation intermédiaire à prix constants ne soulève pas de problèmes théoriques particuliers, étant donné que cette grandeur se rapporte aux biens et aux services marchands. Ce calcul peut s'effectuer soit en déflatant les valeurs courantes par un indice des prix de la consommation intermédiaire, soit à partir des quantités pondérées par les prix de l'année de base.
10.46. Le calcul à prix constants de la rémunération des salariés et de la consommation de capital fixe des branches de services non marchands s'effectue selon la méthode générale décrite aux points 10.53 et 10.54. Les autres impôts sur la production sont souvent d'une nature telle qu'il est possible de les rattacher à un indicateur en volume, tel que volume de l'emploi, nombre de véhicules utilisés, etc.
10.47. Limité pour l'essentiel aux opérations sur biens et services, le système intégré d'indices de prix et de volume n'exclut pas pour autant la possibilité de calculer, pour certaines autres opérations, des mesures des variations de prix et de volume. Cette possibilité existe notamment dans le cas des impôts et subventions directement liés à la quantité ou à la valeur des biens et des services faisant l'objet de certaines opérations. Ces valeurs sont reprises explicitement dans les tableaux des ressources et des emplois. En appliquant les règles décrites plus loin, il est possible d'obtenir des mesures de prix et de volume pour les catégories d'impôts et de subventions retracées dans les comptes de biens et services, à savoir:
10.48. Le cas le plus simple est celui des impôts représentant un montant nominal fixe par unité de quantité du produit faisant l'objet d'une opération. La valeur du produit de cet impôt dépend:
La décomposition de la variation de valeur en ses deux composantes ne soulève guère de difficultés. La variation de volume est fournie par l'évolution des quantités de produits taxés, alors que la variation de prix correspond à la variation du montant prélevé par unité, c'est-à-dire à l'évolution du prix d'imposition.
10.49. Un cas plus fréquent est celui où l'impôt représente un certain pourcentage de la valeur de l'opération. Le produit d'un tel impôt est alors fonction:
Le prix d'imposition est alors obtenu en appliquant le taux d'imposition au prix du produit. La variation en valeur du produit d'un tel impôt peut également être scindée en une variation de volume, reflétant l'évolution des quantités de produits taxés, et en une variation de prix, correspondant à l'évolution du prix d'imposition (b × c).
10.50. Le montant des impôts sur les produits (à l'exclusion de la TVA) (D.212 et D.214) est mesuré en termes de volume en appliquant aux quantités de produits fabriqués ou importés les prix d'imposition de l'année de base, ou en appliquant à la valeur de la production ou des importations, réévaluée aux prix en année de base, les taux d'imposition de l'année de base. Il convient de ne pas perdre de vue le fait que les prix d'imposition peuvent différer selon les emplois. Cet aspect est pris en compte dans les tableaux des ressources et des emplois.
10.51. De même, le montant des subventions sur les produits (D.31) est mesuré en termes de volume en appliquant aux quantités de produits fabriqués ou importés les «prix de subvention» de l'année de base, ou en appliquant à la valeur de la production ou des importations, réévaluée aux prix de l'année de base, les taux de subvention de l'année de base, tout en tenant compte de l'existence de prix de subvention différents selon les emplois.
10.52. La TVA sur les produits (D.211) est calculée sur une base nette, tant pour l'ensemble de l'économie qu'au niveau des différentes branches et autres utilisateurs, et ne concerne que la TVA non déductible. Elle se définit comme la différence entre la TVA facturée sur les produits et la TVA déductible par les utilisateurs de ces produits. Il est également possible de définir la TVA sur les produits comme la somme de tous les montants non déductibles qui ont été payés par les utilisateurs.
La TVA non déductible à prix constants peut être calculée en appliquant les taux de TVA en vigueur pendant l'année de base aux flux exprimés en prix de l'année de base. Toute variation du taux de TVA intervenant en cours de l'année courante se trouvera donc reflétée dans l'indice de prix et non dans l'indice de volume de la TVA non déductible.
La fraction de la TVA déductible dans la TVA facturée, et par conséquent la TVA non déductible, peut varier pour l'une ou l'autre des raisons suivantes:
Un changement dans le montant de la TVA déductible à la suite d'une modification des possibilités de déductibilité doit, dans le cadre de cette méthode, être traité comme une variation du prix d'imposition, au même titre qu'une variation du taux de la TVA facturée.
En revanche, une variation du montant de la TVA déductible par suite d'une modification de la structure des emplois se traduira en une variation de volume de la TVA déductible, ce qui devra être reflété par l'indice de volume de la TVA sur les produits.
10.53. L'établissement de mesures de volume pour la consommation de capital fixe (CCF) ne pose guère de problèmes particuliers lorsqu'on dispose d'une information correcte sur la composition du stock de biens de capital fixe. La méthode de l'inventaire permanent (MIP), utilisée par la plupart des pays, implique déjà, pour l'évaluation de la consommation de capital fixe à prix courants, de passer par un calcul du stock de biens de capital fixe à prix constants. En effet, pour passer de l'évaluation au coût d'acquisition initial à une évaluation au prix de remplacement, il est nécessaire de ramener d'abord la valeur des biens de capital acquis au cours de périodes différentes à un mode d'évaluation homogène, c'est-àdire aux prix d'une année de base. Les indices de prix et de volume utilisés à ces fins pourront donc servir à établir la valeur de la consommation de capital fixe à prix constants et l'indice de prix correspondant.
À défaut d'inventaire permanent du stock de biens de capital fixe, l'évolution de la consommation de capital fixe à prix constants peut être obtenue en déflatant des données à prix courants par des indices de prix dérivés des données sur la formation brute de capital fixe par produit. Il convient à cet égard de tenir compte de la structure d'âge des biens d'équipement acquis.
10.54. Afin de mesurer le volume des entrées de travail salarié, il est possible de considérer l'unité quantitative de la rémunération des salariés comme équivalente à une heure de travail pour un type et un niveau de qualification donnés. Tout comme pour les biens et les services, il convient de tenir compte de l'existence de différentes qualités de travail; des quantités relatives doivent donc être calculées pour chaque type de travail. Le prix associé à chacun d'entre eux correspond à la rémunération d'une heure de travail, laquelle est bien évidemment variable. Une mesure en volume du travail effectué peut être calculée: il s'agira de la moyenne pondérée des quantités relatives correspondant aux différents types de travail, les coefficients de pondération étant constitués par la valeur de la rémunération des salariés pour l'année précédente ou une année de base donnée. À défaut, un indice de taux de salaire peut être calculé, qui prendra la forme d'une moyenne pondérée des variations intervenues dans les taux horaires de la rémunération des différents types de travail, toujours avec les mêmes conditions de pondération. Si un indice de volume du type de Laspeyres est calculé indirectement en déflatant les variations de la rémunération des salariés en valeur courante par un indice de la variation moyenne de la rémunération horaire, ce dernier indice doit être du type de Paasche.
10.55. Afin de mesurer le pouvoir d'achat réel de la rémunération des salariés, ce flux peut être déflaté par un indice reflétant les emplois résultant de ces gains. L'indice de prix habituellement choisi à ces fins correspond au déflateur implicite de la dépense de consommation individuelle ou à l'indice des prix à la consommation.
10.56. Qu'il s'agisse d'évaluer l'état des stocks d'actifs fixes produits ou la variation des stocks, il est nécessaire de disposer de données en prix constants. S'agissant des stocks d'actifs fixes produits, le recours à la méthode de l'inventaire permanent permet de disposer des données nécessaires au calcul des coefficients de capital. Dans les autres cas, l'information relative aux valeurs des stocks d'actifs peut être obtenue auprès des producteurs, la déflation étant effectuée par le biais des indices de prix utilisés pour la formation de capital fixe, compte tenu de la structure d'âge des stocks.
La variation des stocks est mesurée comme la valeur des entrées en stocks diminuée de la valeur des sorties de stocks ainsi que de la valeur des pertes courantes de biens stockés au cours d'une période donnée. La déflation de ces différentes composantes permet d'obtenir des estimations à prix constants. Lorsque les variations des prix et des volumes des stocks sont relativement régulières, il est également possible d'obtenir des estimations de la variation des stocks en multipliant la variation en volume de ceux-ci par les prix moyens de l'année courante ou de l'année de base. Une autre possibilité, qui permet également de vérifier l'exactitude des résultats obtenus par la méthode précédente, consiste à estimer la variation des stocks comme la différence entre la valeur des stocks en début et fin de période. À ces fins, la valeur des stocks — moins la réévaluation — telle qu'elle est donnée par les comptes de producteurs doit être réévaluée et exprimée en prix moyens, soit par rapport à l'année courante, soit par rapport à l'année de base. S'il s'agit de l'année courante, la valeur obtenue mesure les variations en volume des stocks, en prix courants. Si les prix moyens correspondent à l'année de base, alors la valeur obtenue exprime les variations en volume des stocks aux prix de l'année de base.
10.57. Il n'est pas possible de décomposer les flux de revenus en une composante de prix et une composante de quantité; pour cette raison, les mesures de prix et de volume ne peuvent être définies de la même façon que les flux et les stocks précédemment décrits. Les flux de revenus ne peuvent être mesurés en termes réels que si l'on choisit des paniers donnés de biens et services à l'acquisition desquels sont généralement affectés les revenus, l'indice de prix d'un tel panier constituant le déflateur des revenus courants. Un tel choix est toujours arbitraire, en ce sens que le revenu n'est que rarement affecté de façon spécifique à des acquisitions au cours de la période en question; une partie peut en être économisée pour des acquisitions ultérieures; inversement, les acquisitions effectuées durant la période de référence peuvent être en partie financées à partir d'économies antérieures.
10.58. Le produit intérieur brut à prix constants mesure l'ensemble de la production (moins la consommation intermédiaire) de l'économie totale en termes de volume. Le revenu réel total des résidents se trouve soumis à l'influence non seulement du volume de production, mais également du cours auquel les exportations peuvent être échangées contre des importations du reste du monde. Si les termes de l'échange s'améliorent, alors moins d'exportations sont nécessaires pour payer un volume d'importations donné, permettant ainsi à une partie des biens et des services de la production intérieure d'être réaffectée des exportations à la consommation ou à la formation de capital.
10.59. Le revenu intérieur brut réel peut être obtenu en effectuant la somme de l'excédent commercial et des chiffres en volume du produit intérieur brut. L'excédent — ou, éventuellement, le déficit — commercial (T) se définit de la façon suivante:
T = (X − M) / P − ( X / Px − M / Pm )
c'est-à-dire qu'il est égal au solde courant des exportations (X) et des importations (M), déflaté par un indice de prix P et diminué de la différence entre la valeur déflatée des exportations et la valeur déflatée des importations. Le choix d'un déflateur P approprié pour la balance commerciale courante doit être laissé aux différentes autorités statistiques nationales, chacune devant prendre en compte les circonstances qui sont propres à son pays. Lorsqu'une certaine incertitude reste liée au choix de ce déflateur, la moyenne des indices des prix des importations (Pm) et des exportations (Px) devrait normalement constituer une solution acceptable.
10.60. Divers agrégats du revenu réel sont ainsi identifiés et définis:
produit intérieur brut à prix constants
plus excédent ou déficit commercial résultant de la variation
des termes de l'échange
= revenu intérieur brut réel
plus revenus primaires réels reçus du reste du monde
moins revenus primaires réels versés au reste du monde
= revenu national brut réel
plus transferts courants réels reçus du reste du monde
moins transferts courants réels versés au reste du monde
= revenu national brut disponible réel
moins consommation de capital fixe à prix constants
= revenu national net disponible réel.
Afin de pouvoir exprimer les divers agrégats du revenu national en termes réels, il est recommandé de déflater les revenus et les transferts reçus du reste du monde et versés au reste du monde par un indice de la dépense finale intérieure brute. Le revenu national réel disponible doit être exprimé sur une base nette en déduisant de sa valeur brute la consommation de capital fixe à prix constants.
10.61. La construction d'un système intégré d'indices de prix et de volume implique un choix délibéré concernant les types d'indices à utiliser.
10.62. La meilleure façon de mesurer des variations en volume d'une année sur l'autre consiste à avoir recours à un indice de volume de Fisher qui se définit comme la moyenne géométrique des indices de Laspeyres et de Paasche. Les variations en volume sur des périodes plus longues peuvent alors être obtenues par enchaînement, c'est-à-dire en cumulant les variations en volume d'une année sur l'autre.
10.63. La meilleure façon de mesurer des variations de prix d'une année sur l'autre consiste à avoir recours à un indice de prix de Fisher. Les variations de prix sur des périodes plus longues peuvent être obtenues par enchaînement des variations de prix d'une année sur l'autre.
10.64. Des indices-chaînes construits à partir d'indices de volume de Laspeyres pour mesurer les variations en volume et à partir d'indices de prix de Paasche pour mesurer les variations de prix d'une année sur l'autre peuvent constituer un substitut acceptable aux indices de Fisher.
10.65. Bien que les indices-chaînes constituent la meilleure mesure des volumes et des prix, il faut admettre que l'absence d'additivité peut constituer un sérieux inconvénient pour nombre d'analyses.
Un agrégat se définit comme la somme de ses composantes. La propriété d'additivité impose que cette identité soit respectée lorsque les valeurs d'un agrégat et de ses composantes au cours d'une quelconque période de référence sont extrapolées dans le temps au moyen d'une série d'indices de volume.
10.66. Pour les principaux agrégats, il est dès lors recommandé de calculer en plus des indices-chaînes des données à prix constants désagrégées, ce qui revient à procéder à une évaluation directe des quantités courantes aux prix de l'année de base.
L'estimation des données à prix constants doit avoir lieu au niveau de détail le plus fin possible si l'on veut que ces données soient cohérentes dans le cadre d'un système intégré de mesure de prix et de volume. Les tableaux des ressources et des emplois constituent le cadre central, conceptuel et statistique de toutes les mesures à prix constants. Les données additionnelles proviennent de tableaux supplémentaires.
Les séries à prix constants doivent néanmoins être rebasées régulièrement. Le SEC a adopté le principe d'un changement de l'année de base tous les cinq ans à compter de 1995. Lors d'un changement de base, il est d'usage de relier les données en ancienne base à celles en nouvelle base, plutôt que de procéder à un rebasage rétroactif. En cas de changement de base, l'enchaînement a pour effet de supprimer l'additivité.
10.67. Lorsque des valeurs d'une année de base sont extrapolées au moyen d'indices de volume en chaîne, il conviendra d'expliquer aux utilisateurs la raison de l'absence d'additivité dans les tableaux.
Les données «à prix constants» non additives sont publiées sans aucun ajustement. Cette méthode assure la transparence et permet aux utilisateurs de bien appréhender l'importance du problème.
Cette façon de procéder n'exclut pas la possibilité que, dans certaines circonstances, les responsables des données estiment préférable d'éliminer les écarts pour améliorer la cohérence globale des données.
10.68. Afin de procéder à des comparaisons de prix et de volume au niveau international, il convient de surmonter la difficulté posée par l'existence de monnaies nationales différentes. Étant donné que les taux de change sont insuffisamment stables à cet effet et qu'ils ne reflètent pas d'une façon correcte les différences de pouvoir d'achat, il est nécessaire de recourir à une méthode similaire à celle utilisée pour les comparaisons dans le temps au sein d'un même pays. Les indices de prix et de volume doivent donc être établis par paires de pays en appliquant les mêmes types de formules d'indices que lorsque sont mesurées de variations d'une période à l'autre.
L'un ou l'autre des deux pays (A ou B) peut être utilisé pour l'établissement de coefficients de pondération: on pourra ainsi, du point de vue du pays A, établir un indice du type Laspeyres avec des coefficients de pondération correspondant au pays A, ou un indice de type Paasche, en utilisant des coefficients de pondération tirés du pays B.
10.69. Si les économies nationales des deux pays objet de la comparaison sont nettement différentes l'une de l'autre, l'écart entre ces deux indices peut être très important, auquel cas les résultats dépendront de façon trop marquée du pays qui aura été choisi. Afin de procéder à de telles comparaisons binaires, le SEC exige donc que soit établie une moyenne entre les deux, sous forme d'un indice de Fisher.
10.70. Des comparaisons quantitatives directes entre des situations économiques présentant peu de points communs sont, par essence, difficiles à réaliser, et la méthode de la déflation des valeurs courantes à l'aide d'indices de prix constituera alors la meilleure solution. Ce principe s'applique d'ailleurs encore plus aux comparaisons dans l'espace qu'aux comparaisons dans le temps. Une spécification et une identification soignée des produits permettront de calculer des coefficients de prix à partir des enquêtes sur les prix menées dans chacun des pays. Les prix étant indiqués en monnaies nationales, l'interprétation de ces coefficients de prix amène à prendre en considération la notion de parité de pouvoir d'achat (PPA).
Pour un produit donné, la PPA entre les monnaies respectives des pays A et B se définit comme le nombre d'unités de la monnaie du pays B nécessaire pour acheter, dans ce pays B, la même quantité de produits qu'une unité de la monnaie du pays A permet d'acheter dans le pays A. Les PPA pour les groupes de produits et pour les niveaux d'agrégation supérieurs jusqu'au PIB sont obtenues en pondérant les PPA des différents produits par la part de la dépense totale qui est consacrée à chacun d'eux.
Afin d'obtenir un indice de prix entre les deux pays, l'indice PPA doit être divisé par le taux de change courant entre les deux devises concernées.
10.71. Pour les services non marchands, les comparaisons internationales se trouvent confrontées aux mêmes problèmes que les comparaisons dans le temps, ce qui signifie que c'est la somme des entrées qui est utilisée pour mesurer les sorties. La méthode actuellement utilisée dans les comparaisons internationales consiste à calculer une PPA sur la base de coefficients de prix caractéristiques des principales composantes de ces entrées. Cette méthode, qui nécessite de procéder à des comparaisons de volume des entrées, néglige de tenir compte des différences de productivité caractérisant la production de services non marchands dans les pays objet de la comparaison. Il importe donc de mettre au point des méthodes permettant plutôt de procéder à des comparaisons de volume de la production (sorties) de services non marchands, ce qui devrait en principe être possible pour les services non marchands individualisables, la méthode générale étant la même que celle suivie lors des comparaisons dans le temps.
10.72. Le SEC reconnaît la nécessité de procéder à des comparaisons internationales de prix et de volume. Le principal objectif consiste ici à effectuer des comparaisons de volume sur le PIB et ses emplois; le critère de la transitivité doit à cet égard être respecté, ce qui signifie que l'indice direct établi pour le pays C à partir du pays A doit être égal à l'indice indirect obtenu en multipliant l'indice direct relatif au pays B et établi à partir du pays A par l'indice direct relatif au pays C et établi à partir du pays B.
10.73. L'approche adoptée par le SEC pour le calcul d'une série de mesures de volume multilatérales et de PPA consiste à partir de comparaisons binaires entre toutes les paires possibles de pays examinés. Bien que les indices de Fisher utilisés à ces fins ne soient pas transitifs, il est possible de faire dériver une série d'indices transitifs très proches des indices de Fisher initiaux, et ce grâce à la technique traditionnelle des moindres carrés. Afin de minimiser les écarts entre les indices de Fisher initiaux et les indices transitifs souhaités, on est amené à appliquer la formule dite EKS (Elteto- Köves-Szulc).
10.74. L'indice EKS met en oeuvre tous les indices indirects liant un pays i à un pays k, ainsi que l'indice direct existant entre ces deux pays. Il s'agira de la moyenne géométrique entre l'indice direct liant i et k et chaque indice indirect possible liant ces deux pays i et k. Le coefficient de pondération appliqué à l'indice direct est égal à deux fois le coefficient de pondération de chaque indice indirect. La transitivité est assurée en faisant participer chaque pays du bloc à l'indice EKS établi pour l'une quelconque des paires de pays considérées.