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Le Système européen des comptes SEC 2010

CHAPITRE 21 Les liens entre comptabilité d’entreprise et comptabilité nationale et la mesure de l’activité des entreprises

21.01 La comptabilité des entreprises représente, à côté des enquêtes auprès des entreprises, une source d’information essentielle concernant l’activité des entreprises aux fins de la comptabilité nationale. La comptabilité nationale partage avec la comptabilité d’entreprise un certain nombre de caractéristiques dont les plus visibles sont :

Elle en diffère cependant sur de nombreux points parce que son objectif est différent: la comptabilité nationale vise à décrire dans un cadre cohérent l’ensemble des activités d’un pays et pas seulement celle d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises. Cet objectif de cohérence entre toutes les entités d’une économie et leurs liens avec le reste du monde introduisent des contraintes supplémentaires qui ne concernent pas la comptabilité d’entreprise.

21.02 La comptabilité nationale repose sur des normes internationales communes à tous les pays du monde. La comptabilité d’entreprise connaît quant à elle des différences entre les pays pour ce qui est du développement et de la mise en application. Elle tend cependant de plus en plus à appliquer des normes internationales communes. L’harmonisation au niveau mondial a débuté le 29 juin 1973 avec la création du Comité des normes comptables internationales (International Accounting Standards Committee – IASC) dont la mission était de développer des normes comptables de base – appelées IAS (International Accounting Standards, ou normes comptables internationales) puis IFRS (International Financial Reporting Standards, ou normes internationales d’information financière) – pouvant être appliquées dans le monde entier. Dans l’Union européenne, les comptes consolidés des entreprises cotées en Bourse dans l’UE sont élaborés selon le référentiel IFRS depuis 2005.

21.03 Des indications détaillées sur le contenu de la comptabilité d’entreprise et sur la manière de faire le lien entre les comptes d’entreprise et les comptes nationaux sont données dans des manuels spécialisés. Le présent chapitre répond aux questions les plus fréquentes lorsqu’on établit les comptes nationaux sur la base des comptes des entreprises; il aborde également des aspects spécifiques de la mesure de l’activité des entreprises.

Quelques règles et méthodes propres à la comptabilité d’entreprise

21.04 Pour pouvoir extraire des informations des comptes d’entreprises, les comptables nationaux doivent comprendre les normes comptables internationales applicables aux sociétés privées et aux administrations publiques. Pour les sociétés privées, les normes sont élaborées et gérées par le Bureau international des normes comptables (International Accounting Standards Board ou IASB) et, pour les administrations publiques, par le Conseil des normes comptables internationales du secteur public (International Public Sector Accounting Standards Board ou IPSASB). Les paragraphes qui suivent exposent quelques principes généraux de la comptabilité privée.

Moment d’enregistrement

21.05 Dans la comptabilité d’entreprise, les opérations sont enregistrées au moment où elles ont lieu, donnant naissance à des droits et des obligations, indépendamment du paiement. L’enregistrement se fait selon le principe des droits constatés, par opposition à la «comptabilité de caisse». Les comptes nationaux sont également élaborés sur la base des droits constatés.

Comptabilité en partie double et quadruple

21.06 Dans la comptabilité d’entreprise, chaque opération d’une entreprise est enregistrée au minimum dans deux comptes différents, une fois au débit et une fois au crédit, pour le même montant. Ce système de double entrée permet de vérifier la cohérence des comptes. Dans les comptes nationaux, un système en partie quadruple peut également être utilisé pour la majorité des opérations. Une opération est prise en compte deux fois par chacune des unités institutionnelles concernées, par exemple une fois en tant qu’opération non financière dans les comptes de production, de revenu et de capital et une fois en tant qu’opération financière liée à un changement dans la valeur des actifs et passifs financiers.

Évaluation

21.07 En comptabilité d’entreprise comme en comptabilité nationale, les opérations sont comptabilisées au prix convenu entre les parties.

Les actifs et les passifs sont habituellement évalués à leur valeur d’origine ou à leur coût historique dans les états financiers des entreprises, éventuellement en combinaison avec d’autres prix, par exemple les prix du marché pour les stocks. Les instruments financiers devraient être évalués à leur juste valeur, laquelle reflète les prix observés sur les marchés; si nécessaire, ces prix sont établis au moyen de techniques d’évaluation spécifiques. En comptabilité nationale, les actifs et les passifs sont enregistrés aux valeurs courantes en vigueur à la date à laquelle se rapporte le compte de patrimoine, et non à leur valeur d’origine.

Compte de résultat et bilan

21.08 Pour les comptes d’entreprise, deux documents de synthèse sont établis: le compte de résultat et le bilan. Le compte de résultat regroupe les opérations correspondant aux produits et aux charges, et le bilan, les stocks d’actifs et de passifs. Ces documents indiquent les soldes des comptes ainsi que les opérations au niveau agrégé et se présentent sous la forme de comptes. Ils sont étroitement liés l’un à l’autre. Le solde du compte de résultat correspond à un profit ou à une perte de l’entreprise. Ce profit ou cette perte est également inclus dans le bilan.

21.09 Les comptes d’opérations dont le solde est repris au compte de résultat sont des comptes de flux. Leur finalité est de présenter le total des produits et des charges pendant l’exercice.

21.10 Les bilans sont des comptes de stocks. Ils présentent la valeur des actifs et des passifs à la fin de l’exercice.

Comptabilité nationale et comptabilité d’entreprise: aspects pratiques

21.11 Pour que les comptables nationaux puissent utiliser les comptes des entreprises sur une grande échelle, et non pas seulement dans quelques cas isolés, plusieurs conditions doivent être remplies.

La première est l’accès aux comptes des entreprises. Habituellement, la publication des comptes est obligatoire pour les grandes entreprises. Les bases de données de ces comptes sont constituées par des organismes privés ou publics et il est important que les comptables nationaux puissent y accéder. Pour les grandes entreprises, il est généralement possible de collecter les comptes directement auprès d’elles.

La seconde condition est une standardisation minimale des documents comptables publiés par les entreprises puisque c’est la condition nécessaire à une exploitation informatisée. Une standardisation poussée est souvent liée à l’existence d’un organisme collectant les comptes des entreprises sous cette forme standardisée. La collecte peut être organisée sur une base volontaire, comme c’est le cas lorsque l’organisme gère une centrale des bilans qui effectue des analyses pour le compte de ses adhérents, ou elle peut être rendue obligatoire par la loi, comme c’est le cas lorsque l’organisme collecteur est l’administration fiscale. Dans les deux cas, les comptables nationaux doivent demander l’accès aux bases de données et respecter les règles de confidentialité applicables.

21.12 La comptabilité des entreprises peut être utilisée lorsque les comptes ne sont pas établis sur une base standardisée. Dans de nombreux pays, certains secteurs d’activité sont dominés par un petit nombre de grandes entreprises, et les comptes de ces grandes entreprises peuvent être utilisés pour les besoins des comptes nationaux. Des informations utiles figurent également dans les annexes de ces comptes: on y trouve, par exemple, des précisions ou des recommandations sur la façon d’interpréter les données des comptes.

21.13 Les enquêtes auprès des entreprises constituent l’autre grande source de données sur les activités des entreprises pour les comptes nationaux. Ces enquêtes donnent des résultats satisfaisants dès lors que les questions posées sont compatibles avec les entrées et les concepts des comptes d’entreprises. Une entreprise ne fournira aucune information fiable qui ne repose pas sur son propre système d’information interne. Les enquêtes auprès des entreprises sont généralement nécessaires, même dans le cas le plus favorable où les comptables nationaux peuvent accéder aux bases de données comptables, car les informations contenues dans ces bases sont rarement assez détaillées pour satisfaire l’ensemble des besoins des comptables nationaux.

21.14 La mondialisation complique l’utilisation des comptes d’entreprises aux fins de l’élaboration des comptes nationaux. Les comptes des entreprises doivent être réalisés sur une base nationale pour être utiles et ce n’est pas le cas lorsque les entreprises disposent de filiales à l’étranger. Lorsque l’activité de l’entreprise s’étend en dehors du territoire national, des corrections sont nécessaires pour rendre compte de la situation nationale à partir des comptes d’entreprises. Il faut donc que les entreprises fournissent à la base de données rassemblant les comptes d’entreprises soit des comptes élaborés sur une base nationale, soit les ajustements nécessaires pour présenter les comptes sur une base nationale. Lorsque les comptes des entreprises sont collectés par l’administration fiscale, celle-ci impose généralement que les données soient fournies sur une base nationale pour pouvoir calculer l’impôt sur le résultat, c’est la situation la plus favorable pour une utilisation pour les besoins de la comptabilité nationale.

21.15 Une autre condition pratique est que la période d’exercice doit correspondre à la période de référence des comptes nationaux. Pour les comptes annuels, celle-ci est généralement l’année civile; il est donc souhaitable, pour pouvoir utiliser au mieux la comptabilité des entreprises, que la majorité d’entre elles commence son exercice le 1er janvier. Les entreprises peuvent choisir d’autres dates d’ouverture d’exercice. Pour les opérations correspondant à des flux dans les comptes nationaux, il est souvent acceptable de reconstituer des comptes sur la base de l’année civile en combinant des parties de deux exercices successifs, mais pour les bilans, cette méthode donne des résultats moins satisfaisants, surtout pour les postes susceptibles de fluctuer rapidement au cours de l’année. Des comptes trimestriels sont souvent élaborés par les grandes entreprises, mais il est rare qu’ils soient collectés sur une base systématique.

Le passage de la comptabilité d’entreprise à la comptabilité nationale: l’exemple des entreprises non financières

21.16 L’utilisation des données de la comptabilité des entreprises non financières pour élaborer les comptes nationaux nécessite plusieurs corrections, qui peuvent être classées en trois catégories: les corrections conceptuelles, les corrections pour mise en cohérence avec les comptes des autres secteurs et les corrections pour exhaustivité.

Corrections conceptuelles

21.17 Les corrections conceptuelles s’imposent parce que la comptabilité d’entreprise ne se fonde pas exactement sur les mêmes concepts que la comptabilité nationale et parce que, lorsque ces concepts sont proches, les modes d’évaluation peuvent être différents. Quelques exemples de corrections conceptuelles pour le calcul de la production figurent ci-après :

Les corrections pour mise en cohérence avec les comptes des autres secteurs

21.18 La comptabilité nationale impose une cohérence des comptes des entreprises avec ceux des autres entreprises et unités d’autres secteurs institutionnels. Ainsi, les impôts et les subventions évalués à partir des comptes d’entreprises doivent être cohérents avec ceux reçus ou payés par les administrations publiques. Ce n’est pas le cas dans la pratique et il faut donc une règle pour parvenir à cette cohérence. Normalement, les informations émanant des administrations publiques sont plus fiables que celles provenant des entreprises et les données des comptes d’entreprises sont corrigées.

Exemples de corrections pour exhaustivité

21.19 En ce qui concerne les données des comptes d’entreprises, les corrections pour exhaustivité sont liées, par exemple, à l’absence de fichiers statistiques, à l’exonération d’impôt et de déclarations sociales et à la fraude.

Citons quelques exemples de corrections spécifiques :

Questions spécifiques

Les gains et pertes de détention

21.20 Les gains et pertes de détention sont l’une des difficultés majeures pour le passage de la comptabilité d’entreprise à la comptabilité nationale, en raison essentiellement de la nature de l’information disponible dans les comptes des entreprises. Par exemple, une consommation intermédiaire de matières premières n’est pas nécessairement un achat direct, elle peut aussi être une sortie de stocks. En comptabilité nationale, la sortie de stocks est évaluée au prix courant du marché, alors qu’en comptabilité d’entreprise, la sortie de stocks est évaluée à son coût historique, c’està-dire au prix du bien au moment où il a été acheté. La différence entre les deux prix constitue un gain ou une perte de détention dans la comptabilité nationale.

21.21 Éliminer les gains et les pertes de détention sur stocks n’est pas facile car cela nécessite la collecte de bon nombre d’informations extracomptables, ainsi que l’utilisation de nombreuses hypothèses. Les informations collectées doivent porter à la fois sur la nature des produits stockés et sur l’évolution des prix au cours de l’année. Comme les informations disponibles sur la nature des produits portent le plus souvent sur les ventes et les achats plutôt que sur les stocks eux-mêmes, il est nécessaire de fonder les estimations sur des modèles dont la pertinence est difficile à vérifier. Mais ce travail, malgré son imprécision, est le prix à payer pour pouvoir utiliser les données provenant de la comptabilité des entreprises.

21.22 Les évaluations des actifs à la juste valeur donnent une meilleure image du bilan que les évaluations au coût historique, mais elles génèrent également plus d’éléments correspondant à des gains ou des pertes de détention.

Mondialisation

21.23 La mondialisation rend plus difficile l’exploitation de la comptabilité des entreprises lorsque celles-ci possèdent des établissements à l’étranger. Les activités réalisées hors du territoire national doivent être exclues des comptes d’entreprises afin que ces derniers puissent être utilisés dans la comptabilité nationale. Cette exclusion n’est pas toujours facile en dehors du cas le plus favorable où la réglementation fiscale impose aux entreprises de publier des comptes correspondant à leur seule activité sur le territoire national. L’existence de groupes multinationaux pose des problèmes d’évaluation car les échanges entre filiales peuvent se faire sur la base de prix qui ne sont pas observés sur le marché libre mais déterminés dans l’optique de minimiser la charge fiscale. Les comptables nationaux effectuent des corrections pour ramener les prix des transactions intra-groupes aux prix du marché. En pratique, cela est extrêmement difficile, compte tenu du manque d’information et de l’absence de marché libre comparable pour certains produits très spécifiques. Des corrections ne peuvent être apportées que de manière exceptionnelle, lorsqu’elles reposent sur une analyse acceptée par les experts du domaine considéré.

21.24 La mondialisation a contribué au retour à l’enregistrement des importations et des exportations sur la base du changement de propriété des biens, plutôt que sur la base du changement de lieu physique. Les comptes d’entreprises sont ainsi plus adaptés aux besoins des comptes nationaux puisqu’ils se fondent également sur le changement de propriété des biens plutôt que sur le changement de lieu physique. Lorsqu’une entreprise confie du travail à façon à une autre entreprise installée en dehors du territoire économique national, les comptes d’entreprises sont sur une base appropriée pour servir de sources de données aux fins des comptes nationaux. Même si cela est utile, il subsiste encore de nombreux problèmes de mesure dans l’estimation des entreprises multinationales dans les comptes nationaux.

Les fusions et acquisitions

21.25 Les restructurations de sociétés provoquent l’apparition et la disparition d’actifs et de passifs financiers. Lorsqu’une société disparaît en tant qu’entité juridique distincte parce qu’elle a été absorbée par une ou plusieurs autres, tous les liens financiers (actifs et passifs), y compris les actions et autres participations, qui existaient entre cette société et celle(s) qui l’a (l’ont) absorbée disparaissent du système des comptes nationaux. Cette disparition est comptabilisée dans la rubrique «Changements de classement sectoriel ou de structure», dans le compte des autres changements de volume d’actifs.

21.26 En revanche, l’achat d’actions et autres participations d’une société dans le cadre d’une opération de fusion est enregistré comme une opération financière entre la société qui s’est portée acquéreur et le propriétaire cédant. Le remplacement des actions de la société absorbée par des actions de la société absorbante ou de la nouvelle société donne lieu à deux enregistrements, à savoir, d’une part, le remboursement des actions existantes et, d’autre part, l’émission des nouvelles actions. Les liens financiers (actifs et passifs) qui existaient entre la société absorbée et des tiers restent inchangés et sont transférés à la ou aux sociétés acquéreuses.

21.27 Lorsqu’une société est scindée juridiquement en deux ou plusieurs unités institutionnelles, les actifs et passifs financiers nouveaux (apparition d’actifs financiers) sont comptabilisés dans la rubrique «Changements de classement sectoriel ou de structure».






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